Mobilité : quelle capacité d’action pour les communes ? Interview de Cédric Szabo
Alors que plus de 900 communautés de communes auront à se saisir ou non de la compétence « mobilité », bon nombre d’entre elles n’ont toujours pas statué. Pour Cédric Szabo, directeur de l’Association des Maires Ruraux de France, il n’est pas question de laisser cette compétence aux régions, même si les EPCI décident de s’en décharger. Rencontre.
Qui peut être autorité organisatrice de la mobilité (AOM) ?
Cédric Szabo. Avant la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019, les communautés de communes pouvaient exercer facultativement cette compétence. La LOM les invite à statuer sur cette prise de compétence avant le 31 mars 2021, pour un exercice effectif au 1 er juillet 2021. En d’autres termes, il s’agit de s’en saisir ou de laisser la région l’exercer.
À quelques mois de cette échéance, les communautés de communes ont-elles statué ?
CS. Aujourd’hui, bon nombre d’entre elles se posent encore la question, car la loi « 3D » laisse planer encore bon nombre de zones d’ombres qui retardent la prise de décision. Quoiqu’il en soit, l’Association des Maires Ruraux de France se bat pour que dans cette prise de compétence, le principe de subsidiarité l’emporte. À savoir que si les communes veulent se montrer proactives, alors que les EPCI décident de ne pas prendre la compétence, ce qui selon la loi, devient incidemment une compétence du conseil régional, elles puissent garder une capacité d’action. Nous ne souhaitons pas voir se produire en matière de mobilité ce que nous avons pu constater en matière de compétence économique. En effet, dans quel cas, heureusement minoritaires, les EPCI, ne l’exercent pas et les communes n’ont aucun moyen d’action : résultats, bon nombres d’entreprises en milieu rural se sont vues dans l’obligation de mettre la clé sous la porte, faute d’intervention. Pour éviter cette analogie, si les intercommunalités pour des raisons financières ou par manque d’ingénierie sont dans l’incapacité de déployer un service à la hauteur des besoins en matière de mobilité, nous proposons que les communes puissent donc agir par subsidiarité ou par délégation de compétence.
Nous déplorons à ce jour qu’aucune solution n’ait été proposée aux populations les plus fragiles alors que le débat date de 2017. Permettons donc aux collectivités, qui veulent agir, toujours selon le principe de bons sens, seules ou plusieurs, agissent. Arrêtons de mettre des carcans, arrêtons de nous imposer des normes qui sont contreproductives.
Quelles sont vos inquiétudes ?
CS. La première, relève de l’efficacité en termes d’aménagement du territoire. En d’autres termes, est-ce que les actions qui vont être menées vont bien concerner 100 % des communes qui composent l’intercommunalité ou comme souvent les principales communes au motif qu’elles sont plus denses ?
La deuxième est relative au financement des initiatives au regard du versement mobilité transport, la contribution locale des entreprises qui permet de financer les transports en commun. La Covid-19, on le voit à fragilisé bien des équilibres financiers des contributeurs.
La troisième inquiétude est relative aux opérateurs privés, comme la SNCF. Et on constate souvent le manque de coordination des politiques avec les acteurs privés. Plus simplement : on peut imaginer que des EPCI qui se battent pour que des trains traversent leur ville, mais encore faut-il qu’ils s’y arrêtent ! Et ça, la prise de compétence et la loi mobilité n’y changent absolument rien.
Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
CS. On constate finalement que l’outil que le législateur a donné aux collectivités locales ne va répondre qu’en partie et très tardivement à la question de la mobilité qui, pourtant, figurait parmi les préoccupations premières des Français dans le cahier des doléances mis à la disposition des populations en pleine crise des gilets jaunes. Et force est de constater que sa mise en œuvre reste poussive.
Quel regard portez-vous sur la loi « 3D » ?
CS. Nous sommes dans un brouillard profond. Pourtant, cette loi à destination des départements et des régions est l’occasion de corriger les erreurs et notamment en termes de transfert mécanique des compétences. Quoiqu’il en soit, la question reste entière : comment remettre de l’efficacité pour apporter des solutions rapides et efficaces aux communes rurales ?