Tribune collective

Dans cette tribune collective, le Laboratoire de la Mobilité inclusive pose l’inclusion comme condition nécessaire d’une transition réussie, propose des leviers d’action et appelle les acteurs publics, économiques et associatifs à travailler ensemble à résoudre cette «tension».

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Tribune collective

Mobilité : faire de l’inclusion une condition nécessaire de la transition écologique

 

Face à la double urgence sociale et climatique et face à la tension qui en découle : comment concilier inclusion et transition écologique ? En ces temps de débats publics, découvrez la contribution du Laboratoire de la Mobilité inclusive. Dans cette tribune collective, le LMI pose l’inclusion comme condition nécessaire d’une transition réussie, propose quelques leviers d’actions, s’engage dans une démarche d’étude pour relever ce double défi et appelle les acteurs publics, économiques et associatifs à travailler ensemble. 

 

 Les auteurs

Hubert Joseph-Antoine. Président du Laboratoire de la Mobilité inclusive. Francis Demoz. Délégué général du Laboratoire de la Mobilité inclusive. Thierry Adolphe. Responsable Innovations Sociétales. Fondation TotalEnergies. Christine Allard. Directrice de la communication RSE et des relations institutionnelles. Sanef solidaire. Daphné Chamard-Teirlinck. Chargée de projets Mobilité inclusive et durable. Secours catholique. Thomas Chevillard. Président. Mob’in. Sandrine De-Boras.  Responsable Innovation. Transdev. Bruno Garancher. Président. Ecole de conduite française. Cyprien Noble. Chef de projet. Croix-Rouge francaise. Albine Séris. Déléguée générale. Réseau Agil’ess. Pierre Taillant. Ingénieur économiste, Service Transports et mobilité de l’ADEME. Charlotte Tollis. Chargée de programmes nationaux. Fondation Macif.

 

Texte de la tribune

L’opposition régulière des concepts “fin du mois” et “fin du monde”, issue notamment du mouvement des gilets jaunes, renforce l’idée reçue selon laquelle la mobilité de demain ne pourrait être à la fois sociale et durable. Ce clivage persiste et s’accroit. Il se traduit au quotidien par des difficultés de mise en œuvre opérationnelles des solutions par les acteurs de terrain.
Certes, les enjeux soulevés par le double impératif écologique et social du secteur de la mobilité sont particulièrement complexes à appréhender, mais pour dépasser cette tension et cette paralysie, nous n’avons pas d’autre choix que de les aborder conjointement.

Nous le savons, les transports représentent le premier secteur d’émissions de gaz à effet de serre en France et nous imposent d’agir collectivement pour transformer nos mobilités. Mais il faut également tenir compte d’une autre réalité : quand les plus riches ont une mobilité quasi illimitée avec un fort impact environnemental, les plus modestes restreignent leurs déplacements aux besoins essentiels : emploi, santé, courses. Selon les travaux du LMI[1], une personne sur quatre déclare être contrainte dans sa mobilité. Plus isolés, avec une capacité de résilience moins importante et peu ou pas d’alternatives, les plus modestes seront pourtant les plus impactés par les mesures environnementales à venir, des mesures qui risquent alors d’aggraver les inégalités.  Pour éviter cette double peine, nous devons construire des politiques et des solutions plus inclusives, pour donner accès à tous à des capacités minimales de mobilité, tout en respectant les limites de notre planète.

La transition écologique nous propose de repenser notre système tant sur nos modes de transports que sur nos besoins de mobilité. Elle constitue en cela une opportunité pour transformer l’organisation de nos territoires et aller vers une société plus sobre et plus égalitaire.

À l’image des 3 piliers du développement durable[1], favoriser une mobilité accessible à tous en prenant en compte les enjeux environnementaux, c’est aussi permettre une mobilité moins coûteuse pour les individus, une attractivité renforcée pour les territoires et une meilleure cohésion sociale.

Le défi n’est pas simple, mais des leviers d’actions sont à notre portée.

La politique et les actions dans le domaine de la mobilité solidaire sont, par nature, transversales, car elles se positionnent à la croisée d’au moins quatre types de politiques : l’aménagement du territoire, le développement économique, la politique de l’emploi et de la cohésion sociale, et les politiques énergétique et environnementale liées à la transition écologique. Dans la réalité du terrain, il est souvent difficile pour les décideurs de mettre en cohérence les différents objectifs de ces politiques. Fréquemment, l’urgence et les contraintes financières poussent à traiter certaines situations avec des solutions symboliques, de court terme, qui ne s’attaquent pas aux causes structurelles des difficultés, qui, elles, relèvent d’une vision de long terme. Les mesures de type “indemnité inflation” pour aider les ménages face aux hausses de prix de l’énergie en sont un exemple.  Construire une mobilité solidaire et durable pour tous appelle une nouvelle approche politique qui réponde dès à présent aux besoins du quotidien, tout en investissant dans les infrastructures qui soutiendront les solutions de demain.

Au niveau des territoires, et comme le prévoit désormais la Loi d’Orientation des Mobilités, ces enjeux doivent être intégrés et partagés par les différents acteurs des mobilités, du social et de l’emploi pour construire des plans d’action ambitieux. En s’inscrivant dans des dynamiques d’innovation sociale et territoriale, en portant la voix des plus précaires, les acteurs de la mobilité solidaire sont au cœur des solutions de demain. Chacun des acteurs dispose d’une pièce du puzzle : pouvoirs publics, employeurs, opérateurs privés de mobilité et associations doivent collaborer en amont de la construction des politiques de mobilité, de la conception du schéma mobilité jusqu’à l’évaluation pour prendre en compte les besoins de tous les types de publics.

Au-delà du développement de solutions de mobilité et de cette coopération nécessaire, nous savons que l’éducation et l’accompagnement au changement sont primordiaux. La mobilité est aujourd’hui encore synonyme de liberté, l’automobile quant à elle reste un marqueur social fort. Pour faire évoluer la société au rythme des contraintes qui s’imposent, il est nécessaire de faire évoluer ces représentations culturelles et de faciliter l’appropriation des solutions.

L’éducation et la formation ont un rôle essentiel à jouer, pour expliquer le coût écologique et économique des transports individuels, et présenter les alternatives de mobilité qui s’offrent à chacun, non seulement aux plus jeunes qui seront les consommateurs de demain, mais aussi, au vu de l’urgence de la situation, aux adultes qui doivent être responsabilisés dès aujourd’hui. L’éducation s’impose comme un élément moteur de tous les changements qui permettra ainsi de construire une mobilité à la fois durable et inclusive en dehors du champ de la contrainte et de l’affrontement.

Le projet Inclusion/Transition, mené par le LMI (études, recherches, rencontres, cycle de podcast), se déclinera tout au long de l’année. Il a pour ambition de traiter cette question complexe et de montrer que des leviers d’actions sont à notre portée.

Nous, membres du LMI nous invitons à travailler ensemble[3] pour une transition écologique juste et réussie au service d’une mobilité pour tous.

 


1 Source : Étude Elabe / LMI 2018 « La mobilité et l’accès des Français aux services de la vie quotidienne »
2 La notion de Développement Durable s’articule autour de trois piliers fondamentaux : sociétal, économique et environnemental.
3 Le LMI s’engage dans une démarche de travaux et de publications, dans le cadre du projet Inclusion/Transition