Mobilité inclusive, de quoi parle-t-on?
MOBILITE INCLUSIVE : DE QUOI PARLE-T-ON?
“Pour les populations fragiles, tout est plus loin, plus cher et plus lent. La faiblesse de leurs revenus entame leur capacité de mobilité. Et comme un cercle vicieux, ces freins contribuent à leur tour à les maintenir dans leur précarité.”
Valérie Dreyfuss,
déléguée générale du LMI
Se rendre le matin au travail ou chez son médecin, faire les courses, rejoindre son école ou son université, retrouver sa famille ou ses amis… Tous ces déplacements simples de la vie quotidienne ne sont pas accessibles à tous.
Force est de constater qu’aujourd’hui non seulement les offres de mobilité sont inégalement distribuées mais que le potentiel à se mouvoir, qu’il s’agisse d’accéder à l’emploi ou à l’organisation de la vie quotidienne, n’est pas le même pour tous les citoyens. De fait, un Français sur trois est en difficulté de mobilité et menacé d’exclusion. Chez les populations les plus jeunes et socialement les plus fragiles – faible niveau de diplôme et faibles revenus –, ce constat est encore plus marquant : une personne en insertion sur deux a déjà refusé un emploi ou une formation pour des problèmes de mobilité et 28 % ont même abandonné un emploi ou une formation en cours. Pour ce qui est des personnes reconnues handicapées, 21 % d’entre elles étaient au chômage en 2015, souvent parce que le permis de conduire leur est inaccessible (deux fois plus que la moyenne nationale).
Quant aux seniors, ce n’est pas moins de 5 millions d’individus qui affirment ne pas sortir de chez eux parfois pendant 24 heures d’affilée, soit 1 personne sur 4. L’inégalité en matière de mobilité est aussi un fait territorial. Selon la densité de population des communes, les temps d’accès aux commerces, services de soins de première nécessité, établissements d’enseignement, ou encore services pour les personnes âgées ou les jeunes enfants, varient du simple au triple.
“Les freins à la mobilité ne sont pas seulement économiques et matériels, ils sont aussi sociaux, psychosociaux,
organisationnels, géographiques.”
Valérie Dreyfuss,
déléguée générale du LMI
Le droit à la mobilité, une liberté fondamentale pour plus d’égalité
Pourtant, l’exigence sociale de mobilité a suscité l’émergence d’un droit au transport, défini comme l’accès aux transports en commun, puis d’un droit à la mobilité comme l’accès de l’individu à des activités quotidiennes. Ces droits ont gagné en légitimité car ils conditionnent la plupart des autres droits socio-économiques (se nourrir, travailler, se soigner, s’éduquer, se cultiver, avoir une vie sociale et politique). Mais qu’en est-il de ces droits pour les populations vulnérables, et tout particulièrement celles qui sont éloignées des centres urbains alors que nos sociétés sont de plus en plus dispersées spatialement ?
Si être mobile suppose de disposer de moyens de transport et pouvoir s’en servir, se déplacer de façon autonome, disposer à proximité de son domicile des services, commerces ou bassins d’emploi, pouvoir faire garder ses enfants, pouvoir lire un plan de transports, maîtriser le Français, l’un de ces moyens ou l’une de ces compétences manque, alors le risque d’être assigné à résidence grandit dangereusement.
“La mobilité est un droit mais relève aussi d’une compétence clé dans les parcours de vie.”
Valérie Dreyfuss,
déléguée générale du LMI
Favoriser une mobilité inclusive, le combat du Laboratoire de la Mobilité Inclusive
Dans une société construite sur le mouvement de tout et de tous, l’accès aux aptitudes et aux moyens nécessaires à ces déplacements est une aspiration légitime et une condition majeure pour une insertion ou réinsertion sociale. Cette conception est au cœur de la mobilité inclusive. La favoriser consiste à proposer des solutions de mobilité conçues pour tous et avec tous, de l’apprentissage du déplacement à sa
réalisation.
Sont en particulier concernées les catégories de population les plus fragiles : personnes à faibles revenus, demandeurs d’emploi, jeunes ruraux ou des quartiers sensibles, personnes âgées, personnes à mobilité réduite…
LA MOBILITE EN TRANSITION : L'HEURE DES CHOIX
“Au regard des enjeux économiques, sociaux et environnementaux, la mobilité est désormais, plus que jamais, le centre des politiques publiques que ce soit à l’échelle locale, régionale, nationale ou internationale.”
Valérie Dreyfuss,
déléguée générale du LMI
Répondre aux enjeux de la mobilité est un défi pour nos politiques de transport et d’aménagement, mais également d’action sociale, de solidarité ou encore de développement économique. Car si la mobilité sous-entend le déplacement, qu’il soit physique, psychologique ou mental, elle ne se réduit pas au transport. Elle est, avant tout, un lien avec les compétences qui nécessitent pour les acquérir un apprentissage tout au long de la vie. Voilà pourquoi travailler à une mobilité plus inclusive nécessite une approche plus transversale de sa gouvernance pour qu’aucun territoire et ni aucune population ne soient laissés au bord du chemin.
D ans un monde globalisé où les populations bougent et bougeront de plus en plus, où les modes de vie se transforment en profondeur, la mobilité doit pouvoir prendre des formes nouvelles grâce à des offres de mobilité alternatives, multiples et collectives. Les Assises de la mobilité lancées en septembre 2017 par la ministre chargée des Transports, Élisabeth Borne, ont démontré, via la largesse des propositions avancées, qu’il est possible de répondre à ces enjeux nouveaux. Pour quel résultat ? La Loi d’orientation des Mobilités issue des débats qui sera présentée au 2ème semestre 2018, permettra de mesurer l’ambition qu’ont les pouvoirs publics à répondre aux attentes des Français.
Quoiqu’il en soit, la mobilité de demain devra être multimodale, souple et adaptée aux besoins de chacun. Elle associera transports publics et privés. Si aujourd’hui, une tranche de la population seulement, la plus favorisée, est en mesure d’associer métro, bus, covoiturage, vélo … Demain ce seront les plus fragiles qui, grâce à un accompagnement personnalisé, seront en capacité de faire leurs choix. Cette nouvelle approche est porteuse de cohésion, de respect et de bienveillance, avec pour finalité une amélioration du vivre ensemble. N’oublions pas que tout le monde peut se retrouver en difficulté de mobilité à un moment de sa vie.
LES GRANDS ENJEUX DE LA MOBILITÉ INCLUSIVE
Être tous mobiles, un enjeu pour les plus fragiles
Lire une carte, se repérer dans la ville, comprendre un réseau de transport, utiliser une application smartphone… nécessite des compétences et n’a rien d’inné. Les exemples de jeunes n’étant jamais sortis de leur quartier ou habitant sur le littoral mais n’ayant jamais vu la mer sont nombreux. Chez les seniors, prendre le bus suppose de savoir l’utiliser : disposer d’un titre de transport, choisir le meilleur itinéraire, savoir où se trouve le bon arrêt, se repérer sur le plan et dans la rue, connaître les horaires, ne pas laisser passer son arrêt… une véritable « mission de survie ». La mobilité relève ainsi de l’apprentissage, à tout âge et pour tous. Renforcer cet apprentissage et soutenir la professionnalisation des métiers de l’accompagnement à l’insertion socioprofessionnelle est indispensable.
Être tous mobiles, un enjeu d’apprentissage collectif
Pour s’en rendre compte, il faut imaginer ce que représenterait la vie quotidienne sans disposer de moyens de transport, sans savoir comment prévoir et organiser un déplacement, à qui faire appel pour être informé, accompagné, comment utiliser une application smartphone spécialisée. Une vie quotidienne amputée de capacités à se former, à se rendre à un emploi, à voir ses proches, à faire des courses, tout simplement à sortir de chez soi. Cette autonomie détermine l’insertion, le maintien dans la vie active et l’égalité des chances dans une société qui appelle à toujours plus de vitesse et d’agilité. Elle est aussi constitutive du bien vieillir.
Être tous mobiles, un enjeu territorial
Les questions de mobilité quotidienne se posent à l’échelle de bassins de vie et d’emploi, souvent en décalage avec l’organisation administrative de nos territoires. Les frontières administratives ne correspondent pas à nos territoires de vie réelle. Or, les politiques publiques de transport, d’action sociale, de solidarité, de développement économique et d’aménagement ont une application principalement locale.
Améliorer la coordination entre les nombreux acteurs impliqués – publics, privés, associatifs – est nécessaire.
Être tous mobiles, un enjeu économique
Le coût de la non-mobilité est autant humain qu’économique car le manque de mobilité accentue les vulnérabilités. Dans un contexte de chômage de masse, le fait que 2 employeurs sur 5 déclarent rencontrer des difficultés à pourvoir un poste pour des raisons de mobilité laisse songeur. Le doublement de la population des plus de 75 ans d’ici 2060 constitue par ailleurs une grande opportunité de création de services et d’emplois : maintien au domicile, développement de solutions de mobilité « inversée », en particulier dans les champs des services à la personne et du numérique.
Être tous mobiles, un enjeu d’égalité
Parce que les personnes en difficultés sociale et professionnelle ont moins de solutions de mobilité à leur disposition, la moitié d’entre elles n’ont pas le permis de conduire, deux tiers n’ont pas de véhicule, elles recourent à la marche et quand elles le peuvent, aux transports en commun. Reste que 28 % ne disposent aujourd’hui d’aucun moyen pour se déplacer.
Cette moindre mobilité est bien sûr liée à des vulnérabilités matérielles et économiques : disposer d’un véhicule, pouvoir acheter un abonnement de transports en commun, mais aussi à des vulnérabilités géographiques (déficit d’offre de mobilité, distance aux emplois moins qualifiés) ou encore sociales et organisationnelles (monoparentalité, emplois atypiques à horaires morcelés et/ou décalés).