Les solutions viennent du terrain au plus près des besoins des populations – Interview d’Olivier Jacquin
La Délégation sénatoriale à la prospective a planché sur l’avenir des mobilités dans les espaces peu denses. Les membres ont réalisé un grand nombre d’auditions préalables pour aboutir à un colloque le 23 septembre dernier dont les actes seront publiés et serviront à élaborer le prochain rapport. En attendant, le LMI a rencontré Olivier Jacquin, sénateur de la Meurthe-et-Moselle, membre de la Délégation. Explications :
Qu’appelez-vous territoires peu denses ?
Olivier Jacquin. La notion de territoires peu denses au regard des enjeux de mobilité recouvre plusieurs réalités : le périurbain, le rural ou encore les territoires de montagne isolés. On peut définir des indicateurs chiffrés pour caractériser les territoires peu denses mais l’idée qu’il faut retenir c’est que sur ces espaces il est difficile de déployer des transports en commun, par manque de flux. Et la palette des besoins des habitants est elle aussi variée. Dans le périurbain lointain, le besoin premier est celui de la connexion aux espaces agglomérés dans le cadre des mobilités du quotidien ; dans le rural c’est de se déplacer un peu partout, sur un territoire très large où l’emploi et les services sont dispersés ; le besoin dans les territoires de montagne isolés consiste à accéder aux services de base, mais aussi à assurer le déplacement des touristes, été comme hiver.
Quel est donc l’enjeu face à cette palette de territoires ?
O.J. Ces territoires ont été depuis des décennies déséquipés en moyen de transport et la voiture y représente aujourd’hui peu ou prou 90% des déplacements. Tout l’enjeu est d’imaginer des solutions de mobilités adaptées permettant de décarboner et de raisonner sa « dé-mobilité »
- En mobilisant et développant les transports en commun qui existent encore, fer ou car, et en organisant des rabattements sur eux, sans oublier le maillage du transport scolaire.
- En « socialisant » l’usage de la voiture : covoiturage courte-distance, auto partage transport solidaire… Donc en utilisant l’immense potentiel de cette maille !
- Les mobilités actives ont également leurs places avec les nouveaux vélos : la moitié des déplacements du quotidien font moins de 5 km.
Ces solutions aussi diverses soient-elles, reposent-elles sur un modèle économique viable ?
O.J. Dans les espaces peu denses, on a refusé aux autorités organisatrices, la possibilité de s’appuyer sur un modèle économique viable. Car en effet, la base fiscale pour lever le versement mobilité n’est pas forcément présente sur tous ces territoires. Il peut être impossible de financer des services de transport publics. On peut parler clairement de rupture d’égalité républicaine. Lors du vote de la LOM, les sénateurs ont demandé à ce qu’une fraction de la taxe carburant (TICPE) soit versée à ces territoires, ils sont moins de 150 ! Cette proposition a été reboutée à l’Assemblée Nationale, c’est indigne de la République.
Mais au-delà de l’expérimentation, comment diffuser les bonnes pratiques et généraliser les expériences ?
O.J. La LOM a organisé un transfert de compétences, mais, comme je le disais, il n’y a pas toujours de financement. Or, il faut de l’ingénierie et un minimum de financement pour que les bonnes pratiques soient reprises, adaptées et se diffusent. D’où mon intuition initiale consistant à regarder si cette moindre densité de population pouvait trouver une forme de compensation par une plus grande densité du lien social et voir comment les développer l Et dans ce sens, elles sont nombreuses et très innovantes : exemple dans la Drôme, le ramassage scolaire se fait par vélo électrique collectif, qui allie mobilités actives et convivialité. Là où il y a peu d’habitants, il y a souvent une densité extraordinaire du lien social. Une des idées que l’on porte le plus est celle de « socialiser la voiture ». La solution la plus innovante en matière de covoiturage est d’imaginer des lignes virtuelles, avec des arrêts : des points à l’image d’arrêts de bus. Et puis on peut innover en matière de transport à la demande, par exemple en mutualisant des véhicules. D’ailleurs, les constructeurs travaillent déjà à des modèles de voitures copartagées, comme Dacia qui sortira son premier modèle en janvier prochain.