[Interview] Jean-Marc Zulesi, Député et Président de la Commission du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire depuis 2022.
À l’occasion des 10 ans du LMI, nous interrogeons des personnalités afin qu’elles nous éclairent, depuis leur domaine d’expertise, sur le bilan qu’elles dressent des inégalités en matière de mobilité, sur l’évolution de ce sujet sur les 10 dernières années et sur les enjeux pour les années qui viennent. Ce mois-ci Jean-Marc Zulesi, député dans la 8ᵉ circonscription des Bouches-du-Rhône depuis 2017 et Président de la Commission du Développement Durable et de l’Aménagement du territoire depuis 2022 : « La mobilité inclusive à l’heure de la transition écologique doit être une priorité des politiques publiques ».
Quel bilan dressez-vous des inégalités en matière de mobilité sur les dix dernières années ?
Jean-Marc Zulesi. Grâce à la loi d’orientation des mobilités (LOM) la mobilité inclusive est devenue un enjeu prioritaire pour tous les territoires. Pour autant, je pense qu’il y a encore beaucoup à faire pour que l’ensemble de nos concitoyens puissent avoir des solutions de mobilité adaptées à leurs besoins et surtout qui correspondent aux spécificités de leur territoire. Nous pourrons mieux évaluer le chemin qu’il reste à parcourir grâce à la mission d’évaluation de la LOM dans le cadre des travaux menés par la Commission de Développement Durable et Aménagement du Territoire qui rendra, dans les prochaines semaines, un premier bilan de tous les dispositifs en place. Nous aurons alors une vision claire et exhaustive des dispositifs en place aujourd’hui et de leur efficacité. Ce travail d’évaluation est nécessaire, car si la LOM donne un cadre, ce sont les collectivités territoriales qui se saisissent de la compétence.
Quel regard portez-vous sur cette combinaison transition écologique et justice sociale ?
JMZ. Cette combinaison est essentielle. Si nous voulons résoudre le problème de la mobilité alors qu’un quart de nos concitoyens refuse encore une offre d’emploi ou une formation par manque solution de mobilité adaptée, la mobilité inclusive doit être une priorité des politiques publiques. Et je suis convaincu que les dispositifs déployés dans le cadre de la transition écologique participent à plus d’égalité et de justice sociale. En revanche, nous devons adopter une démarche active auprès des collectivités locales en leur expliquant pourquoi elles doivent s’en saisir. L’État a aussi un rôle à jouer notamment en accompagnant les acteurs en matière d’ingénierie. C’est en adoptant cette démarche volontariste que nous pourrons faire de la mobilité inclusive une priorité. D’ores et déjà des solutions existent et se déploient dans nos territoires, je pense par exemple au transport à la demande, nous devons en améliorer le financement, mais également l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. La LOM a acté des mesures visant à améliorer l’accessibilité aux gares et aux bus, mais il faut aller plus loin pour que le handicap soit mieux pris en compte. Autre point d’amélioration : l’information voyageurs pour que tous les citoyens puissent être informés malgré leurs difficultés. Et sur ce point, je crois qu’il faut dépasser le cadre de la LOM en impliquant les entreprises, les opérateurs de transports et les collectivités.
Quels sont les enjeux en matière de mobilité dans les 10 prochaines années ?
JMZ. Le premier enjeu est d’améliorer l’organisation des transports sur le territoire. Le bilan de la LOM permettra d’évaluer dans quelle mesure la compétence mobilité est exercée au bon niveau. Le deuxième défi est la décarbonation des transports et ce quel que soit le transport, de la voiture individuelle, en passant par les bus, les trains et l’avion. Le troisième enjeu dans la décennie qui vient est l’innovation, via le véhicule autonome et non pas la voiture autonome, car il ne s’agit pas de favoriser l’autosolisme. C’est pourquoi nous continuons à travailler sur la collecte de la data et de sa valorisation. Enfin, l’enjeu de l’investissement dans les infrastructures. Le plan de 100 milliards qui a été annoncé par la Première Ministre, Élisabeth Borne, va dans le bon sens puisqu’il vise justement à accélérer le déploiement de nos infrastructures de transports en particulier les infrastructures ferroviaires.
Le coût du transport pèse de plus en plus lourd dans le revenu des ménages ; comment l’alléger notamment pour les ménages les plus modestes ?
JMZ : Il faut accompagner nos concitoyens sur de bonnes pratiques en matière de mobilité sans pour autant les infantiliser, car tous les dispositifs d’accompagnement, je pense notamment au forfait mobilité durable que j’ai porté dans la loi, sont bien déployés, mais il mérite de l’être davantage, notamment dans les entreprises. Le covoiturage, mais aussi le vélo sont bons pour la planète et pour le pouvoir d’achat. Il faut également valoriser les mesures de sobriété qui me semble intéressante telle que la limitation de vitesse, sans pour autant imposer des baisses partout sur tous les territoires, mais dans la mesure de l’accessibilité sociale. L’autopartage est également à promouvoir. Je suis convaincu que l’on doit passer de la possession à l’usage, louer plutôt qu’acheter c’est bon pour le pouvoir d’achat et c’est bon pour la planète. Enfin, l’utilisation des transports collectifs est bénéfique en tous points. Seulement, il faut que l’offre de transport soit adaptée aux besoins de nos concitoyens. Afin de relier les bassins de vie aux bassins d’emploi, je porte une proposition de loi visant à permettre le développement de navettes fréquentes et rapides entre les communes, que ce soit des trains ou des cars express. Cette offre multimodale, autrement appelée services express régionaux métropolitains, permettra à nos concitoyens de disposer de solutions de transports accessibles.